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Mille et Une Nuits

La traduction et la question du rapport avec le texte d’origine

Introduisant le débat, le professeur Rachid Benhaddou, estime que cette question concerne spécifiquement la traduction des œuvres littéraires, et non celle des œuvres scientifiques. Ces dernières ne posent que des problèmes d’ordre conceptuels. Pour les traductions des œuvres littéraires, la question du rapport avec le texte d’origine est vraiment problématique. Mais, y a-t-il vraiment une source originelle ? Ne dit-on pas que tout ce qui est écrit, a déjà été écrit auparavant ? Qu’en est-il de la traduction d’un texte qui est déjà une traduction ?

Le professeur et traducteur, Brahim Al Khatib, a choisi d’aborder le sujet à travers l’expérience de deux traducteurs d’un même auteur : Margueritte Yourcenar et Borjès qui ont traduit chacun une œuvre de Virginia Woolf. La première, qui est écrivain, s’était adonnée à la traduction pour des raisons économiques. Pour traduire en français « Vagues », elle eut un entretien avec son auteur Virginia Woolf et lui proposa sa vision de la traduction, soit une absorbation d’une langue par une autre langue, et ainsi, elle lui suggéra entre autre de remplacer Shakespeare par Racine. Vision qui s’opposait diamétralement à celle de V. Woolf, pour qui la traduction doit transcrire le plus fidèlement possible son texte d’origine et qu’il n’est pas question de changer Shakespeare par qui que soit.

Pour l’écrivain argentin, Jorge Luis Borges, la traduction est un dialogue  personnel avec le texte originel, c’est une création, une composante de la littérature, non une simple transcription. Il traduisit « Orlondo », qui eut un grand succès non seulement en Argentine, mais dans toute l’Amérique Latine.

Pour sa part, le traducteur et écrivain Farid Zahi, estime que la question de l’origine est d’ordre philosophique. Il préfère aborder le thème à travers son expérience. D’ailleurs, remarque-t-il, ceux qui ont théorisé la traduction n’ont pas exercé le métier de traducteur. La traduction, à ses yeux, est un acte qui crée tout. Elle transpose une pensée d’une langue à une autre ; elle passe d’un registre à un autre. En outre, au Maroc, ajoute-t-il, nous vivons la « traduction implicite », en raison du bilinguisme dominant. Ainsi, le roman « Moha le fou, Moha le sage » de Tahar Benjelloun, se traduit de lui-même, estime-t-il, alors que « Amour bilingue » de Abdelkébir Khatibi, est intraduisible.

La traduction, poursuit-il, est en son essence contre l’origine, son dépassement et son occultation. C’est une opération de lutte entre le traducteur et le texte dans ce qu’il appelle « l’arène de la traduction ». Pour lui, le traducteur est avant tout un écrivain.

Quant au professeur et traducteur Abdessalam Ben Abdelali, il indique que l’intérêt des Français pour la traduction est essentiellement dû à leur intérêt pour la question de l’origine qui occupe une place importante dans la pensée contemporaine. Nietzche, par exemple, distingue l’origine métaphysique (finalité infinie), de l’histoire généalogique (montrant le secret essentiel des choses). Il perturbe, fait bouger et désarticule les choses. C’est ce qui arrive au texte qui subit la traduction. En effet, ajoute-t-il, la traduction déplace le texte de sa position et le jette au mouvement de l’histoire ; elle fait en sorte que le texte s’éloigne de son être, afin qu’il vive dans ses copies et s’alimente à travers elles. Le texte, dit Dérida, survit au-dessus des moyens de son auteur. La trahison dans la traduction est le fond des origines. Le texte d’origine est un « brouillon » d’un texte à écrire. La traduction insuffle un souffle nouveau, ressuscite le texte avec ses aspects positifs et négatifs, conclue-t-il.

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